Jusqu’à quand l’Allemagne acceptera-t-elle l’intervention de la BCE en soutien des pays périphériques ?
Second postulat : la BCE constitué l’ancre ultime de la zone euro depuis le début de la crise financière et sera toujours présente comme dernier rempart contre l’effondrement du système financier et la faillite d’un Etat européen.
Il est vrai que la BCE, sous la présidence de Jean-Claude Trichet, n’a pas hésité à plusieurs reprises et sous une pression intense des marchés à intervenir en soutien des banques puis des Etats pour prévenir une dislocation financière accélérée dans la zone euro (apport de liquidité sans limite de volume aux banques dès 2007, acceptation du papier souverain en collatéral du refinancement bancaire sans condition de notation, rachats de titres souverains sur le marché secondaire en mai 2010 puis en août 2011). Pour beaucoup d’observateurs, il ne fait pas de doute que la BCE continuera, sous la présidence de Mario Draghi, à intervenir autant que nécessaire, tout simplement car elle n’aura pas d’autre choix face à des risques réels d’effondrement financier total. Mario Draghi, banquier central aguerri et ancien vice-président de Goldman Sachs en Europe connaît bien les marchés et saura, comme J.C. Trichet, cacher son pragmatisme derrière un langage en apparence très rigoureux.
Cette vision des choses passe néanmoins sous silence deux réalités. D’abord, la crise financière a révélé au grand jour une division croissante du conseil des gouverneurs de la BCE. Deux responsables allemands très puissants ont démissionné en 2011 (A. Weber et J. Stark), reflétant le malaise grandissant en Allemagne face à l’engagement de la BCE en soutien des Etats défaillants de la zone euro. En outre, cette réaction allemande reste encore modérée (elle n’a pas empêché la BCE d’intervenir de facto) tout simplement parce que, pour le moment, les interventions de la BCE restent extrêmement modestes (163 Md€ d’achats d’obligations) comparées à celles de la FED américaine (le QE2 portant sur 600 Md$ d’achats d’actifs) et de la Banque d’Angleterre (qui détient 25% de la dette publique britannique dans ses livres !). Officiellement, les interventions de la BCE via le SMP (programme d’achat d’obligations) sont « stérilisées » de manière à prévenir toute création monétaire « pure » source d’inflation.
La BCE n’a donc pas encore testé le point limite à partir duquel l’Allemagne entrerait en révolte ouverte contre une politique active de création monétaire pour « sauver l’euro ». L’heure est encore à la « préservation de la frontière entre politique monétaire et politique budgétaire ». Un accord sur un EFSF « étendu » pourrait par exemple se faire le 23 octobre sur un mécanisme n’impliquant pas la BCE. Pourtant, compte tenu de l’ampleur de la crise de la dette, l’intervention massive de la BCE serait une solution de moindre mal pour l’Europe aux yeux de nombreux analystes (notamment anglo-saxons). Elle deviendrait la seule solution tout court en cas d’attaques massives contre l’Italie et peut être un jour la France.
Lorsque toutes les autres options insuffisantes auront été testées, l’Allemagne fera-t-elle preuve de pragmatisme ou préféra-t-elle ouvrir une crise porteuse de tous les dangers pour préserver à tout prix la sacro-sainte « stabilité monétaire » ?