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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 20:34

La tension est une nouvelle fois en train de monter d’un cran supplémentaire en Grèce.


En cette semaine du 16 mai, nous avons appris un « clash » entre MM. Trichet et Juncker lors d’une réunion à Bruxelles sur l’idée d’un « reprofilage » de la dette grecque. Nous avons appris de la bouche même d’un haut représentant du FMI à Athènes que le programme de réforme risque bien d’échouer d’ici quelques mois en l’absence de nouvelles réformes fortes. Nous avons aussi appris du Ministre des finances grec qu’une nouvelle vague d’austérité va viser à réduire de 6 milliards d’euros supplémentaires les dépenses publiques grecques en 2011, ce qui rendra nécessaire de supprimer purement et simplement des postes de fonctionnaires.


Ces nouvelles sont inquiétantes.

 

Elles donnent l’impression, avec le temps qui passe, d’une fuite en avant de tous les acteurs de la crise, sans qu’une solution viable apparaisse pour mettre fin à la crise.


Cette nouvelle aggravation de la crise est principalement provoquée par le constat d’échec qu’il convient de tirer sur la première année de mise en œuvre du programme grec. La récession s’est encore aggravée début 2011. Les recettes fiscales n’entrent pas. Le déficit public ne se réduit pas assez rapidement. La Grèce ne pourra pas donc retourner sur les marchés pour se financer en 2012 comme le plan du FMI l’avait envisagé. Il manquera au moins 25 milliards d’euros dans le plan de soutien à la Grèce l’année prochaine. Or, le FMI ne peut pas continuer à prêter à la Grèce si il n’a pas l’assurance que les besoins de financement du pays pourront être intégralement couverts l’an prochain. C’est un principe fondamental de son action.


La réponse à ces nouvelles difficultés semble assez évidente à court terme. Comme il est trop dangereux de tenter une restructuration d’ensemble de la dette grecque dès 2012 qui permettrait d’économiser ces 25 milliards d’euros, l’UE et le FMI vont accorder une rallonge pour couvrir ces besoins financiers supplémentaires à la place des marchés. Les échéances de 2013 (35 milliards !) pourraient également être couvertes par cette rallonge financière qui atteindrait ainsi 60 milliards d’euros. Les Européens du nord sont évidemment très réticents à cette aide supplémentaire, mais ils céderont sans doute, après avoir obtenu quelques engagements de la Grèce (mise en garantie des recettes de privatisation, par exemple). Nous allons donc franchir un pas supplémentaire dans la « nationalisation » de la dette grecque par les Européens. Au terme du programme en 2013, nous devrions donc voir le FMI et l’UE détenir 110+60=170 Md€ de la dette grecque, sans compter les 50 Md€ détenus par la BCE. Cela fera 220 Md€, deux tiers de la dette. Les contribuables auront une nouvelle fois couverts les risques des banques en remboursant la dette due par la Grèce aux grands établissements financiers.


Cette option de la « nationalisation de la dette grecque » est-elle pour autant une solution viable ?

 

Pour certains économistes (notamment P. Artus), c’est la solution évidente à la crise, la ligne de plus grande pente. Traumatisés par le syndrome Lehman Brothers, la BCE et la Zone euro ne prendront jamais le risque de provoquer un nouveau tsunami financier en forçant la restructuration de la dette grecque à laquelle tout le monde s’attend.


Dans sa version « hard », une restructuration de la dette grecque signifie une annulation de 67% de la dette bancaire dans un scénario récent de Barclays, soit une perte de 40 Md€ pour les banques grecques, 33 Md€ pour la BCE et 30 Md€ pour les autres banques européennes. C’est la condition pour remettre la dette grecque à 60% du PIB à l’horizon 2030. Trop grave, trop incertain. Personne ne peut dire en effet jusqu’où iraient les réactions en chaîne dans la zone euro et même sur l’ensemble des marchés mondiaux d’un tel choc.


Dans sa version « soft », un « reprofilage » de la dette consisterait à demander aux banques de maintenir leur exposition à la Grèce, sans demander le remboursement prévu des obligations en 2012-2015. Une telle option serait sans doute plus acceptable pour les banques et moins couteuse. Mais la BCE est quand même très opposée à cette option douce, car elle redoute le déclenchement d’événements de crédit sur les produits dérivés (CDS) qui pourraient eux aussi déclencher des mouvements en chaîne. Surtout, un reprofilage ne serait sans doute pas suffisant pour restaurer la confiance des marchés. Repousser de 10 ans les échéances de la Grèce tombant à compter de 2012 ne permettrait pas de faire baisser la dette très en deçà de 100% du PIB à l’horizon 2030 selon les estimations publiées.


Dans ces conditions, on voit bien qu’une nouvelle tranche d’aide en 2012 et 2013 permettra une nouvelle fois de faire baisser la tension sans risquer d’effets secondaires déstabilisants.


Du point de vue financier, il est sans doute possible d’être cyniquement réaliste. Les Européens ont les moyens de payer pour la Grèce. C’est le prix à payer pour éviter une nouvelle crise financière et, probablement, une grave déstabilisation de la zone euro dans son ensemble en 2012. La Zone euro aura apporté 80+40=120 Md€ à la Grèce. Même dans un scénario où l’UE reprendrait l’essentiel des 330 Md€ de dette grecque, le coût financier est parfaitement absorbable pour les pays européens. 330 Md€, c’est 3,5% du PIB de la zone euro. Il suffira, sur quelques années, que les Européens empruntent un tout petit peu plus et le tour sera joué pour « sauver l’euro ».


Du point de vue politique et historique, il n'est pas aussi certain que cette stratégie soit gagnante à la fin de l'histoire. Il est probable qu'à terme, la Grèce ne remboursera pas la dette qu'elle devra à ses partenaires européens. Ce sont les contribuables "riches" du nord qui paieront. Néanmoins, le choix non assumé clairement de renflouer la Grèce par des prêts publics va créer des tensions politiques importantes au sein des pays « riches » de l’UE et exacerber le populisme ambiant (cf. les déclarations récentes de Mme Merkel sur les vacances des feignants du sud …). Il vaudrait donc mieux dire aux Européens dès aujourd'hui que nous allons devoir éponger la dette de la Grèce pour sauver l'euro, éviter des tensions politiques ingérables et ... prendre acte du fait que l'euro tel qu'il a été conçu en 1999 n'était pas viable. C'est une erreur collective de l'Europe qui est à l'origine de la crise, pas "les grecs" ou "les spéculateurs". On ne peut pas reprocher aux grecs ... d'être grecs !


En nationalisation la dette grecque, les Européens choisissent la voie de la facilité en prenant le risque de créer une crise politique dans quelques années, à moins de commencer dès maintenant à dire la vérité aux Européens.

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commentaires

F
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.<br /> <br /> Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.<br /> <br /> La Page No-19: ÉCONOMIE !<br /> <br /> LA CRISE ?<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Clovis Simard<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Bonjour,<br /> votre proposition de payer des impôts pour les grecs pour sauver l'Euro, aboutirait au final à ce que les électeurs votent pour ceux qui veulent la suppression de l'Euro.<br /> Par ailleurs, le problème ne se limitera pas à la Grèce. Si on donne le signal qu'il est inutile de rembourser ses dettes, que le contribuable y pourvoiera, sans participation des banques, alors ni<br /> les gouvernements endettés, ni les banquiers ne feront d'effort, aux 3,5% pour la Grèce, il faut ajouter le poids de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne, de la France et de l'Italie.<br /> Insoutenable.<br /> Il faudrait en fait arrêter les investissements communautaires en Grèce et maintenir les recettes de Bruxelles en provenance de Grèce pour financer le plan de soutien à la dette. Celle-ci ne doit<br /> pas se faire par prêt à interêt mais une par augmentation de capital dans les entreprises (ou vente des parts du Trésor grec aux Trésorts des pays créditeurs). Des "nationalisations" au bénéfice<br /> des créanciers PUBLIC (et non privé), avec bien sûr priorité au rachat par les grecs de ces avoirs si ceux-ci se mettent enfin à payer des impôts !<br /> Ce n'est pas idéal, peut être insuffisant, mais vos propositions ne seront jamais acceptés par les créanciers quand on leur demandera leur avis.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Vos objections sont parfaitement justes, elles soulignent effectivement la difficulté des solutions "définitives" qui seraient de nature à vraiment mettre fin à la crise. Maintenant, les<br /> transferts budgétaires recommandés sont une condition indispensables au bon fonctionnement d'une zone monétaire. Les parisiens acceptent naturellement de payer pour la Corse ... et y partent en<br /> week-end. Pourquoi pas les Européens du nord vis à vis des Grecs ? En outre, ces paiements sont indépendants de la question de la dette. Même si on annulait 100% de la dette grecque actuelle, le<br /> problème resterait posé car sans aide du nord, la Grèce réaccumulera une nouvelle dette si elle reste non compétitive ...<br /> <br /> <br /> En conclusion, si vous avez raison (et franchement, à court terme, vous avez sans doute raison), l'euro ne survivra pas longtemps. C'est ce que vient d'écrire Nouriel Roubini lundi dans le<br /> Financial Times.<br /> <br /> <br /> <br />

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